Ces derniers jours, ont fleuri un grand nombre d’articles sur le marché de l’audioprothèse. Encore une Article le Monde "Le marché verouillé de l'audioprothèse"fois, l’image de ces professionnels n’est guère reluisante. A mon tour, j’ai envie de vous transmettre mon avis en tant que malentendante et surtout en tant qu’assistante audioprothésiste. Certaines choses qui se vivent dans la réalité d’un centre d’audioprothèse méritent d’être connues pour pouvoir se faire un avis sur la profession et l’appareillage auditif.

Remarque : je ne suis plus salariée à ce jour d’aucun centre d’audioprothèse, j’écris donc cet article librement et en toute bonne foi.

Les freins à l’appareillage : le prix mais pas que…
L’étude menée par l’UFC-Que Choisir sur le secteur de l’audioprothèse précise que  2,1 millions de malentendants renonceraient à s’appareiller, en partie à cause du tarif de l’appareillage. L’UFC-Que UFC - Que choisirchoisir reconnaît également que l’un des autres freins est l’image de handicap que renvoie l’appareillage auditif. Je ne remets pas en cause le fait que s’appareiller nécessite un budget conséquent. Simplement, qui aurait envie de consacrer, même un petit budget, à l’achat d’un matériel qu’il n’a pas envie d’acheter et qui lui donne l’impression de vieillir ou de devenir handicapé ? L’image de l’appareil auditif a du mal à évoluer mais avec de l’information, l’échange d’expériences, des articles bienveillants sur les résultats à attendre de l’appareil, les choses changent.

C’est cher oui parce que…
L’une des missions de l’audioprothésiste et de son assistante est d’expliquer pourquoi les appareils sont si chers. Comme l’article du Monde le signale « Si [ils] les audioprothésistes apportent d’indéniables prestations… ». Ces « indéniables prestations » correspondent, entre autres, au nombre variable de rendez-vous nécessaires à l’audioprothésiste et à la personne appareillée pour parvenir à un résultat optimal. Ce que les gens non appareillés ignorent, avant de sauter le pas, c’est que le réglage d’un appareil n’est JAMAIS définitif. Si au bout de quelques mois, le réglage est satisfaisant, le malentendant est plus à l’aise dans les conversations bruyantes, à la télévision, … Il faudra nécessairement revenir 2 à 3 fois par an pour l’entretien de l’appareil (porté en moyenne 8h/jour, dans des conditions d’humidité et de cerumen propres à l’oreille), pour augmenter le réglage (le cerveau s’étant habitué au réglage, il agit comme un muscle qu’il faut stimuler sans arrêt). ParmAudioprothésistei ces « indéniables prestations », il faut aussi compter sur la présence quotidienne de l’assistante, assurant l’entretien, les contrôles et les petits réglages des appareils auditifs. Cela engendre des charges qui se répercutent sur le tarif des audioprothèses.

Dans le cas d’un malentendant qui s’appareille et qui ne revient jamais au centre d’audioprothèse pour améliorer les réglages. Pour ce patient là, oui on peut considérer que l’audioprothésiste réalise une marge démesurée. Simplement, parce que le patient ne revient pas pour « utiliser l’investissement de départ » lors de l’achat de l’appareillage. En un seul mot, retournez voir votre audio, parce que d’une, vous avez payé pour ces rendez-vous, et de deux, vous et votre cerveau en avez besoin pour optimiser les résultats de l’appareillage. Tous les jours au centre, les patients, venus pour un contrôle annuel, nous demandent combien il faut régler la séance, oubliant que cela fait partie des « indéniables prestations » assurés par l’audioprothésiste et son équipe.

Différencier le prix des appareils auditifs du service de réglages : une bonne idée pour booster les ventes en dépit de la qualité d’adaptation ?
Rendre les appareils auditifs plus accessibles financièrement est une très bonne idée qu’on ne peut qu’encourager. Cependant, je crains que distinguer le tarif de l’appareil du service de réglages ne soit un danger pour la bonne adaptation à l’appareillage.

Les audioprothésistes risquent de se diviser en deux catégories : les « vendeurs de prothèses » et les audioprothésistes de proximité. Autrement dit, pour profiter du meilleur prix, les malentendants pourront faire un grand nombre de kilomètres pour acheter leurs appareils. Par contre, pour les réglages et l’entretien courant, ils préféreront (à juste tire) se tourner vers l’audioprothésiste de leur ville, soit de proximité. Or, ces derniers, qui perdront ces ventes d’appareils, pour assurer la pérennité de leur entreprise auront le choix de réduire les frais de fonctionnement (moins de jours d’ouverture, un mi-temps pour l’assistante à la place d’un temps plein, …) ou d’augmenter le tarif des réglages.

S’appareiller nécessite une relation de confiance dans la durée avec son audioprothésiste. Aussi, je pense que décider d’acheter ses appareils et les faire régler doivent se faire avec le même professionnel.

S’appareiller n’est pas qu’une histoire de réglages
Pour avoir été assistante audioprothésiste pendant près de 8 ans, j’ai vécu au quotidien les relations Source : fotoliaavec les patients appareillés. La moyenne d’âge se situant aux alentours de 75/80 ans, nous avons à faire à un public qui aime tisser des relations fortes avec les personnes « à leur service ». Ils ne viennent pas voir l’audioprothésiste. Ils viennent voir « Monsieur Untel pour les oreilles » et la « gentille p’tite secrétaire ». Ils ont besoin d’être accompagnés, écoutés. Très souvent les journées de l’assistante sont remplies par les visites des clients qui viennent acheter des piles mais qui voudraient bien discuter un peu, un petit nettoyage des appareils, parler de sa santé, demander des nouvelles du bébé de l’assistante et même voir une photo ( ça sent le vécu non ? ).

Je suis toujours ravie quand je tombe sur un article qui parle de l’audioprothèse. Plus on en parle, plus on s’informe et plus, je l’espère, l’image des appareils évolue dans la tête des personnes malentendantes qui hésitent à sauter le pas. Pour autant, la majeure partie des articles sont rarement bienveillants envers la profession.

Être malentendant est une situation difficile à vivre. On ne se fait pas appareiller par plaisir, comme on peut décider de changer de lunettes. Si à cet état d’esprit, on rajoute l’idée que le professionnel qui adapte les appareils est un voleur, je doute en effet que les malentendants se ruent dans les centres d’audioprothèse.

Le métier d’assistante audioprothésiste est un métier que je qualifierais de « service à la personne ». Savoir entendre l’appréhension du futur appareillé, rassurer sur la frustration du malentendant qui s’impatiente face à son adaptation aux appareils sont ses principales missions. S’il est évident que l’appareillage auditif doit être plus abordable financièrement. Je regrette que le métier de l’audioprothésiste et de son équipe, son savoir-faire, son empathie, ses valeurs soient rarement des thèmes abordés ou très succinctement dans les articles de presse.

Je vous invite fortement à aller à la rencontre des audioprothésistes et de leur équipe pour vous faire votre propre idée sur l’appareillage auditif et sur la profession.

Angélique CadicAngélique CADIC